Un vieux dans le désert...

Wernecker avait laissé mourir son feu qui ne présentait plus qu'une ou deux malheureuses braises sur le point de s'éteindre et couché au creux d'une dune, le froid l'envahissait peu à peu... Il n'avait même pas monté sa tente mais il s'en foutait... Au moins avec le froid il ne sentait plus cette vilaine blessure. Et puis le froid ça vous engourdit de partout, même de la tête... Alors au moins on ne pense plus et on oublie.

C'est dans cet état semi comateux que Lise le trouva dans son campement. Elle était soulagée de voir enfin une fumée et espérait trouver un peu de vie mais quand elle vit le vieux en train de se laisser crever, elle réagit aussi sec et vint lui mettre une bonne paire de giffles :

- Eh mec ! Réveille toi ! Vas pas mourir maintenant, t'es le premier gars que je croise depuis des lustres !

Mais comme Wernecker ne semblait pas vraiment réagir et qu'il paraissait déjà bien frigorifié, elle le tira sans ménagement près du reste du feu avant de l'enrouler dans une couverture qui trainait et de mettre dans le foyer tout ce qui lui passait sous la main et qui pouvait brûler... Elle envisagea même une seconde d'éventrer le cheval pour faire une source de chaleur mais faute de couteau, et de courage peut-être aussi, elle laissa vite tomber l'idée.

A force d'acharnement elle eut bientôt de belles flammes qui vinrent lécher le visage de Wernecker. C'est en se demandant ce qu'elle pourrait faire de plus qu'elle vit une trainée de sang là où elle l'avait tiré.

- Et merde ! En plus t'es blessé ! T'aurais pas pu me le dire avant ? fit-elle comme si le fait de lui parler faisant de lui encore un vivant.

Mais elle n'attendit pas la réponse pour le sortir de sa couverture et découvrit avec une grimace la plaie mal bandée et pas bien belle à voir... Le seul point positif c'est que Wernecker commençait à se réchauffer et il finit même par ouvrir un oeil alors qu'elle était occupée à déchirer sa propre chemise pour en faire des bandages.

Wernecker qui clignait des yeux apercevait par intermitence l'éclat du feu de brindilles. Il se sentait mal, vraiment mal. La chaleur des flammes ne comblait pas le déficit calorifique que son sang versé au sol avait entrainé.

Le crane embué, il se demandait encore comment son feu avait bien pu reprendre lorsqu'il se rendit compte que les deux globes laiteux qu'il avait pris pour une lune dédoublée de par son état étaient en fait ... deux seins a la couleur délicieusement blanchatre retenu par un soutien gorge écarlate !

"Merde je suis ou là !?!" furent les seuls mots qu'il réussi a articuler.

Pris d'une forte quinte de toux il crut qu'il allait rendre ses tripes, la douleur le pliant en deux il s'évanouit a nouveau. Ses reves se mirent a tourner autour du corp de Lobélie abandonné au milieu du désert. Elle avait réussi a se frayer un chemin au sein de son esprit malgré toute ses réticences a s'attacher a ce qu'il savait pouvoir perdre. Et maintenant il ne lui restait plus rien a quoi se raccrocher.

Il passa une nuit atroce ... il sentait la présence de cette fille a ses cotés elle lui avait bandé tant bien que mal la plaie et l'avait gavé avec les analgésiques qu'elle avait trouvé sur son cheval. La douleur physique s'effacant peu a peu au profit de la sensation d'abandon que procure les drogues médicales.

A son réveil il l'avait trouvé assoupie un bras autour de lui. Merde ... le contact de ses seins sur sa peau et la sensation qui en découlé eurent tôt fait de lui confirmer qu'il était bien en vie.

Lise n'avait jamais été une très bonne infirmière et bander cette fichue plaie était un vrai calvaire... Ca pissait le sang, ses vêtements en étaient plein et elle avait un mal de chien à faire quelque chose de propre...

Elle sursauta quand elle entendit Wernecker causer. Merveilleux ! Il était réveillé ! Mais sa quinte de toux et son redressement brutal massacra tout le peu de bandage qu'elle avait déjà fait. D'un geste pas vraiment tendre, elle le recoucha en en profitant pour lui placer un truc sous la tête en guise d'oreiller avec un "bouge pas" autoritaire, mais il s'était déjà évanouï...

- Bon sang, mais qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ! fit-elle avec un vague sentiment de désespoir...

Au moins il était encore vivant... et il n'était plus trop froid... Au bout d'une bonne demi-heure, elle réussit enfin à lui faire un pansement acceptable. Ca semblait ne plus trop saigner, elle s'en étonnait elle-même. Pourvu que ce soit suffisant... Mais le vieux n'avait pas vraiment l'air dans son assiette, alors la danse des compresses fraîches sur le front et des gorgées d'eau à lui faire boire commença...

Deux heures plus tard, il semblait être un peu apaisé et Lise se sentit soudain complétement crevée. Elle ne savait toujours pas où elle était, elle avait maintenant un blessé sur les bras et elle commençait sérieusement à avoir froid ! Quelle merde...

En fouillant le cheval qu'elle réussit à trouver une carte et une couverture. La carte, elle verrait cela le lendemain ! La couverture, c'était beaucoup plus utile pour le moment... Sauf qu'il lui faudrait au moins ça pour son malade et si elle restait en sous vêtement tout le reste de la nuit, c'est elle qui serait mal demain. En plus, pour bien faire, il aurait fallu qu'elle fasse un feu des deux côtés de son blessé parce qu'à moins de veiller jusqu'au matin (et elle ne s'en sentait vraiment pas la force), il allait finir par avoir froid...

Perplexe, elle regarda le champ de bataille et la pauvre couverture pendant quelques bonnes minutes. Ce n'était même pas la peine d'espérer récupérer celle où elle avait couché le vieux, sinon tout son pansement serait à refaire... Alors faute de mieux et trop fatiguée pour trouver un quelconque inconvénient à cette solution, elle vint se blottir à côté de lui, à l'opposé du feu pour qu'il profite à deux de la couverture et de la chaleur de l'autre.

Il ne lui fallut pas longtemps pour s'endormir et lorsqu'elle sentit quelque chose remuer le lendemain matin, elle ne répondit que d'un grognement inamical pour qu'on la laisse finir sa nuit !

Sortant du coma profond dans lequel il avait passé la nuit Wernecker se demandait qui pouvais bien etre cette fille qui semblait l'avoir remplacé au royaume des songes. Mais au vu de sa bonne humeur il avait décidé de remettre les présentations a plus tard.

Elle semblait lui avoir bandé la plaie, et souriant il ne pu que constater que Tinette allait revoir ses cotes d'ici peu. Mais penser a Salem le mettais face au fait accompli ... il avait décidé d'abandonner, de crever et s'était précisément ce qu'il serait arrivé si cette fille n'étais pas intervenu. Mais comment la remercier de ce qu'elle avait fait pour lui ... alors que lui meme ne se serait pas aidé ?

Malgré ca, la voir exténuée, a moitiée couverte par le vieux sac de couchage déplié, presque nue et encore frissonante lui faisait honte. Elle avait l'air completement paumée et il se rappelait ses premiers pas hors du bunker. Il s'était retrouvé écrasé par un monde impossible ... si il n'avait pas trouvé quelqu'un pour lui tendre la main il ne pourrait pas etre la aujourd'hui a regretter de ne pas etre mort.

Il lui tendrais la main ... quel que soit la souffrance morale qu'il devrait en tirer. L'égoïsme primaire qu'il avait manifesté cette nuit en se laissant dériver au portes de la mort l'avait quité ou du moins en partie.

Il commenca par se dégager de sous la couverture pour lui laisser sa part de tissu. Une moue d'approbation passa sur le visage de la jeune fille lorsqu'il la couvrit. Wern senti les larmes lui monter aux yeux ... elle venait de lui rappeler qu'il en fallait peu pour etre heureux.

Lui se retrouvait couché sur une couverture maculée de taches de sang coagulées, et par ci par là les lambeaux de ce qui devait etre la chemise de la jeune femme. Soulevant doucement les pansements qu'elle avait appliqué sur sa blessure, il constata qu'elle avait agis a temps ... la blessure ne se refermerait surement pas sans quelques points de suture ... mais pour l'instant il se contenterais d'une compresse fortement appliquée, l'hémoragie avait cessée.

Il avait perdu beaucoup de sang et il savait qu'il était vital qu'il se nourrisse pour aider son organisme a reformer ses réserve de plasma. Saisissant le sac qu'elle avait eu la bonne idée de décrocher du sac il en sortis quelques morceaux de viande séchée qu'il commenca a machonner sans grande conviction. Il prit sur lui de mettre le feu a quelques pastilles chimique pour faire chauffer un peu d'eau et y mit a tremper des morceaux d'écorce de cactus ainsi que certaine herbes du désert aux vertues appaisantes.

Tournant le dos a la jeune femme et occupé a faire chauffer son infusion il ne se rendit compte de son réveil qu'au moment ou surement attirée par l'odeur se diffusant de la casserole elle posa la main sur son épaule.

... elle posa la main sur son épaule... pour le tirer fermement en arrière avec tant d'insistance qu'il finit par basculer sur le dos n'ayant rien pour se raccrocher. Elle le rattrapa tout juste pour adoucir un peu sa chute mais à peine et elle lui posa un doigt sur le torse en lui disant sur un ton qui ne souffrait aucune discussion :

- On ne t'a jamais dit que les malades ne doivent pas bouger ! J'ai pas passé ma nuit à te faire un pansement pour que tu me sabotes tout parce que t'as la dalle ! Déjà que ça ne tient pas beaucoup comme ça...

Et comme Wernecker ouvrait la bouche, sans doute pour dire quelque chose (peut-être "Bonjour" qui sait ou plus banalement "A me secouer comme ça c'est sûr qu'il va pas tenir ton pansement !"), elle ajouta en fronçant les sourcils et pour bien enfoncer le clou :

- Tu ne bouges pas !!

Satisfaite de n'avoir que le silence pour seule réponse, Lise passa sans douceur l'espèce d'oreiller sous la tête de Wern et se leva en s'enveloppant dans la couverture qu'elle avait gardé sur les épaules. Un frisson parcourut tout son corps et lui rappella subitement qu'il ne devait pas faire loin de 0° et qu'elle était complétement frigorifiée ! D'ailleurs sa chair de poule et ses lèvres bleuies ne laissaient aucun doute à ce sujet. Mais elle ne se lacha pas son air revêche de préceptrice allemande qui tente de mater un élève peu docile.

Elle alla vers son sac pour en tirer un tube contenant une espèce de poudre puis elle revint vers son blessé avec un gobelet d'eau.

- C'est de la pénicilline. Ca devrait éviter que ça s'infecte... Enfin j'espère Prends-en un peu et après, vu que tu es réveillé et que tu as l'air de pouvoir bouger, j'essaierais de refaire un bandage qui tient la route, lui dit-elle en lui collant le gobelet dans la main et en l'aidant à se redresser TRES légèrement.

Wernecker la regardait perplexe. C'était comme si un flot de parole lui était arrivé dans la figure et lui avait fait boire la tasse. Non seulement elle n'avait pas songé une seule seconde à la moindre civilité, mais en plus elle lui donnait des ordres comme si elle se prenait pour un officier S.S. Encombré par son gobelet et le bout de viande séché qu'il avait toujours à la main, il s'exécuta quand même bon gré mal gré et constata avec malgré tout un petit soulagement que la jeune femme en semblait satisfaite.

- Bon tu n'auras pas de quoi faire des bandages ? J'ai plus de chemise là... Et vu la température c'est pas vraiment la bonne solution de toute façon.

La bonne vieille Gertrud Knoke lui revenait a l'esprit, des années qu'il n'avait pas pensé a cette femelle accariatre et castratrice. L'image de Tinette lui rippant sa plaie a l'infirmerie lui revenait aussi ... a croire que les femmes lui en voulait vraiment. Quand elle ne tentaient pas de faire jeu égal avec lui dans la mauvaise foi elles mourraient tout simplement pour lui briser le coeur.

Mais celle la l'amusait vraiment, elle prenait des airs pour le forcer a obéir. Il voyait bien qu'elle était peut etre au moins aussi désespérée que lui et elle tentait de donner l'impression qu'elle maitrisait la situation mais il était flagrant qu'elle ferait mieux de se reposer. Enroulée dans sa couverture, des traces brunatre de sang séchées sur ses petites mains et son visage ... tiré et marqué par la fatigue ... elle semblait sur le point de s'écrouler. Sans un mot et surtout sans répondre a sa question il la tira par la couverture pour qu'elle s'accroupisse a coté de lui auprés de la casserole fumante. Comprenant son geste elle ne chercha pas a protester ... il faisait plus chaud assise que debout.

Il se décida alors a lui parler, jusque la il n'avait pas su quoi lui dire ... peut etre qu'un merci aurait été le bienvenu pour le travail qu'elle avait accompli mais pour le coup il avait préféré lui tendre un gobelet remplis de sa mixture aux plantes :

"Tiens, bois tant que c'est chaud, aprés on s'occuperas de cette plaie ... et tu te reposeras un peu."

Le regard fixant le gobelet fumant, Lise sentit les larmes lui monter aux yeux, comme si quelque chose venait de lacher brusquement... Se recroquevillant sur elle-même, elle fut prise de sanglots nerveux pendant quelques secondes mais elle tenta visiblement de les réprimer aussitôt. Elle se redressa rapidement en essuyant ses yeux du revers de la main, étalant encore un peu plus la saleté de son visage, mais elle avait réussit à se calmer aussi vite qu'elle avait craqué...

En reniflant une dernière fois, elle attrapa le gobelet en tremblant un peu, mais quand son regard croisa celui de Wernecker, plein de compassion, son expression se durcit instantannément et reprit l'assurance autoritaire et revèche qu'elle avait auparavant. Elle ouvrit la bouche pour répondre qu'elle n'avait pas besoin de repos, mais ses mots mourrurent sur ses lèvres quand elle se rendit compte combien ils étaient ridicules. Sans doute une vieille habitude pour se blinder contre toutes les saloperies de la vie...

Finalement, elle remercia Wernecker d'un sourire discret et timide puis s'assit en tailleur avec un soupir. Elle trempa ses lèvres dans le liquide brûlant et c'est d'une voix beaucoup plus amicale qu'elle lui demanda enfin :
- Alors tu viens d'où ?

Il l'avait observé se ressaisir aprés avoir laisser échapper quelques larmes. Elle en avait dans le ventre mais cela ne lui enlevait pas son coté fragile.

La regardant tendrement Wernecker se demanda si elle lui parlait de ce monde ci ou de l'ancien. Et pour une fois il compris que son passé pouvait trés bien n'avoir aucune importance. Il pouvait l'envoyer aux orties, ca n'avait plus d'importance.

Il ne décolait plus de son visage. Et elle eu un mouvement de recul, puis baissa les yeux et sourit génée lorsqu'en approchant sa main il lui remis une meche crasseuse en place.

Au vu du résultat il ne pu qu'éclater de rire, la meche de cheveux poisseuse de sang qu'il avait rabbatu derierre son oreille s'était redressé d'un coup pour former une corne. Comprenant pourquoi il rigolait elle porta vivement la main a ses cheveux pour les lisser ... son rire venant suplanter celui de Wern qui se tenait le ventre a deux mains du fait de la douleur causée par son éclat de rire.

Sous son regard amusé et entre deux grognements il trouva quand meme la force de lui dire d'ou il venait et de lancer une menace en l'air : " Fait gaffe ... si tu continue a rigoler mon prochain pansement risque bien d'etre ton pantalon".

Elle avait le rire facile et il trouvait ca bien. C'était rare de trouver quelqu'un encore capable de tourner en dérision une situation, aussi dramatique soit elle.

<--Ouvre la porte de ce post... rooooh ils sont mimi tout plein... Referme la porte et s éloigne discretement...
:l8

- Ca n'y compte pas ! Je regrette déjà assez ma chemise ! Au contraire, si tu continues à faire l'imbécile c'est toi qui va te retrouver en caleçon à force de m'obliger à faire de nouveaux pansements !

Lise avait fouillé la plupart des sacoches... Pas moyen de trouver quelque chose pour faire des bandages ni même pour remplacer sa chemise mieux que ne le faisait la couverture. Par contre il y avait pas mal d'eau et elle se résolut à faire un brin de lessive. Cela lui prit pas mal de temps de faire bouillir les restes de sa chemise et de panser correctement Wernecker mais finalement le résultat fut au-delà de ses espérances.

- Peut-être que tu pourras remonter sur ton cheval maintenant. On est encore loin de chez toi ? lui fit-elle en s'enroulant de nouveau dans la couverture pour tenter de bloquer ce froid aggressif.

-Va falloir qu'on coure jeune fille. On est pas loin de Salem mais les mecs qui m'ont fait ce trou sont peut etre pas loin.

Disant cela il se remet difficilement sur ses pieds :

-Oula! Il commence a osciller et menace de s'effondrer
Lise se précipite alors pour le soutenir.

-Merci jeune fille, c'est pas encore ça j'ai l'impression. On va remballer tout ces trucs et recouvrir les braises de sable aprés tu m'aidera a monter sur le cheval.

Les sacs fait Wernecker se propose de passer sa chemise a Lise ... mais se ravisse au vu de l'état déplorable de celle ci.

-Bon je crois que tout est bon ... il lui adresse un sourire satisfait ... on va pouvoir y aller !

Grimpant avec difficulté sur le dos du cheval ... il s'y établit dans un râle de douleur ... et tendant la main a Lise il l'invitat a l'y rejoindre:

-Grimpe fillette !

Agrippant fermement sa main, la jeune femme se hissa a son tour, tirant ainsi une grimace a peine perceptible au vieux.

-En route !