Dans les cendres tièdesDe loin la ville était restée la même, ou presque. Les ruines de l’ancienne cité s’élevaient avec une fierté nostalgique vers le ciel couvert, témoignant à la fois de la richesse et de la vacuité des Temps Passés.
Les survivants qui s’étaient installés dans les ruines à la fondation de Salem avaient pris garde de ne pas rivaliser avec les tours délabrées. La nouvelle ville – celle de l’après-Crash – se dissimulait humblement entre les carcasses géantes. Preuve de sagesse, selon certains. D’esprit rétrograde et grégaire pour d’autres.
De folie, trancha définitivement le voyageur : choisir de vivre au milieu de tant de morts ne pouvait mener qu’à une conclusion macabre. C’était à lui que le destin avait donné raison...
Il dévala la dune avec ses deux compagnons pour rallier les décombres.
A leur gauche, tout au bout de l’interminable horizon, l’astre dardait quelques lueurs peu convaincantes. Il ferait bientôt nuit.
Un léger souffle, tiède et sec, jouait avec quelques cendres volantes. Le trio s’enfonça d’un pas vif dans les ruines. Scrutant la pénombre, arme au poing. Retrouver le site de Salem au milieu de cette architecture maudite serait ardue dans la luminosité faiblissante du soir.
Les nomades avancèrent de plusieurs centaines de mètres dans un calme sinistre. La poussière commençait à s’épaissir dans les artères ensablées, ce qui ne facilitait pas leur orientation.
Une silhouette pressée coupa leur route sans les voir. Adulte lourdement chargé courant presque vers le désert.
« - Je crois qu’il fuyait quelque chose... », proposa Irina d’une voix légèrement angoissée.
« - Il a peut-être retrouvé sa brosse à dents ? », tenta Dan à son tour avec un sourire triomphal.
« - On va pas lui courir après. Reste calme, homme fou, on approche. » Kémi lança un bref coup d’œil derrière lui pour juger de la volonté de ses compagnons de poursuivre, et reprit sa progression.
Une demi-heure plus tard, le groupe découvrit une grande inscription à la peinture blanche sur un pan de mur.
SALEM VILLE DE PAIT
bienvennus
marché a droite pour arivez aus grande portes
rangeait vos armeL’odeur de brûlé était plus forte, évoquant à Kémi les incendies de la lointaine Jo’burg. L’air pollué de cendres asséchait la gorge. Un cri de peur ou de douleur perça la crasse opaque, sans qu’il fût possible d’en indiquer la direction. Dan se mit à ricaner nerveusement.
Deux cent mètres plus loin les ruines s’espacèrent et disparurent dans un vaste espace plane. Cela avait sans doute été un espace de détente à l’intérieur de la ville, une « forêt domestique », imaginait Kémi. Puis Salem s’était construite, puis détruite... Le vent charriait ici une suie épaisse et malsaine, obligeant Irina et Kémi à nouer un morceau de tissu sur leurs visages.
En émergeant de la limite des ruines, ils se rendirent compte qu’il pleuvait à grosses gouttes. Dan gloussa de joie.
Les yeux plissés à cause de la lourde poussière, ils découvrirent ce qui restait de Salem. Le vent était assez violent pour permettre aux regards de balayer la majeure partie de l’espace découvert.
On ne voyait plus que quelques structures tordues gisant au milieu d’un champ de débris. Plusieurs bâtiments effondrés couvaient les derniers foyers de braises. Le reste n’était plus qu’un lit de cendres, des filets de fumée s’échappant encore de loin en loin d’un vestige isolé.
Dans la lumière rouge, sanguinolente du soleil moribond, hachée par les ombres horizontales des vieilles ruines, des silhouettes courbées fouinaient en silence parmi les décombres.
Le fou s’éloigna en toussant et en riant.
Les deux autres observèrent la scène pendant une longue minute. Irina signala un groupe assis à l’écart que Kémi reconnut comme des Salèmiens. Il rangea son arme et ajouta :
« Plus tard, plus tard... La nuit est presque là. »Le nomade se dirigea à grands pas vers un tas de débris intéressants. Un maraudeur avait eu la même idée mais Kémi le dissuada d’un regard haineux, brandissant le poing, et, sous son masque de tissu, découvrant ses crocs.
Les richesses enfouies dans la cendre tiède revenaient au plus fort.
(HRP : j'espère que cette vision n'est pas trop éloignée de la vôtre, vous qui avez "crée" Salem... Si c'est le cas faites moi des suggestions pour qu'on redresse le tir )