Retrouvailles

Enfin! Le jour du retour à Salem, tant attendu par tous les membres de la boucherie, était arrivé. Tout le monde rêvai d’une bonne paillasse et d’un pastis bien frais…
Le groupe marchait, chacun portant sa part de fardeau de barbaque. Jiod regardait dégoûté les sacs teintés de rouge, il avait bien compris qu’il fallait tuer les chevaux pour se nourrir mais n’arrivait pas a s’y faire.

Salem arrivait en vue, toutes les jambes accélérèrent motivées par la curiosité de voir Jésus et les nouveaux arrivants. Ils n’étaient pas encore arrivés au pied des portes que celles-ci s’ouvraient déjà. « Bizarre » se dirent-il tous, il fallait, d’habitude toujours attendre 5 bonnes minutes avant que les portes soient ouvertes. Enfin, c’était une bonne intention…
Arrivé plus près de l’ouverture, ils comprirent pourquoi les portes avaient été ouvertes. Deux personnes sortaient, sûrement faire une agréable promenade. Jiod reconnu Mandrin à ses habits qu’il trouvait « rigolo » mais l’autre silhouette personne ne la reconnue, même lui…

Jésus était venu trouver Vally pour lui demander une nouvelle fois de passer la nuit à l'extérieur de Salem afin d'encourager les chevaux à rester dans les environs. Et quand Mandrin se proposa d'emblée pour l'accompagner, cela ne la dérangea plus du tout ! Au contraire, ils décidérent de partir assez tôt pour "établir le campement plus facilement"... sans doute...

C'est donc un sourire aux lèvres qu'ils se dirigèrent vers la grande porte de Salem avec leur matériel. Mais curieusement, au moment où ils ouvrirent les portes, ils aperçurent le groupe des bouchers qui attendaient justement pour entrer. Vally les accueillit d'un sourire et s'apprêtait à leur souhaiter la bienvenue quand son regard se posa sur le petit garçon qui était avec eux.

La bouche encore ouverte, elle se figea soudain comme sous l'effet d'un choc. Et tandis que ses yeux se remplissaient de larmes de joie, sa main se portait à sa bouche comme pour s'emêcher de pousser un cri de bonheur qui ne sortirait jamais tant l'émotion la prenait à la gorge.
- Jiod, murmura-t-elle.

Mais Jiod ne l'avais pas reconnue... Tout à son empressement de retrouver Salem et son tobbogan, il se mit à courir en zig zag avec un "Yahooooo !!" heureux, sachant très bien qu'il ne devait pas trop s'éloigner sous peine de se faire gronder s'il n'aidait pas à ranger la viande ramenée.

Vally chancellait... Elle avait tendu la main vers Jiod comme pour l'attirer vers elle mais ses jambes ne la portaient plus... Elle ne parvenait pas à croire ce qu'elle voyait... ou plutôt elle avait peur d'y croire et d'être déçue... Et pourtant... Elle voyait son petit frère qu'elle croyait mort dans le désert courrait dans tous les sens devant elle, plein de vie... Elle s'appuya à la porte ouverte pour ne pas tomber et Mandrin, surpris, s'empressa de venir la soutenir. En suivant son regard, il vit l'objet de son émoi et comme Vally ne semblait pas vraiment en état de lui expliquer quoique ce soit, il interpella le garçon :
- Eh, gamin ! Viens voir par ici !

Alors Jiod se retourna se demandant, inquiet, s'il avait déjà fait une bêtise... Il fut d'abord étonné en voyant la jeune femme et cligna des yeux pour s'assurer de ne pas rêver, tandis que Vally, la vue brouillée de trop de larmes, de vivait plus que pour voir sa réaction... Si c'était un rêve, elle voulait ne jamais se réveiller... Mais le visage de Jiod s'illumina d'un sourire gigantesque alors qu'il s'écriait :
- Vava !!

Vally ne parvenait à articuler aucun mot... Aucun son ne sortait plus de sa bouche... Jiod était là, à quelques mètres d'elle... Vraiment là... Complétement débordée par l'émotion, elle ne put que tendre ses bras vers son frère qui se mit à courir en criant "Vava ! Ma Vava !!" avant de se jeter dans ces bras grands ouverts qui se refermèrent aussitôt.

Déséquilibrée par son bond et perdue en sanglot, Vally le serra de toutes ses forces en se laissant glisser par terre. Elle donnait l'impression d'avoir peur qu'il se volatilise soudain et rien au monde n'aurait pu le lui faire lacher. Jiod était lui aussi accroché à elle, les bras autour de son cou, les jambes autour de sa taille, la tête sur son épaule, à s'imprégner à nouveau de son odeur de petite maman qui lui avait tellement manqué.

Etroitement enlacés, assis sur cette terre poussiéreuse, le temps semblait s'être arrêté pour les deux enfants dans le plus beau moment de leur vie. Ils se dégageait de cette scène tellement de bonheur, de tendresse et d'amour que Mandrin lui-même, alors qu'il ne comprenait pas grand chose, se surprit à retenir une larme...

Il fallait bien être au moins à Salem pour que malgré des mois d'errance et de détresse dans ce désert aride, un miracle rassemble à nouveau un frère et une soeur égarés.

La charme s'envola doucement alors qu'une petite voix gênée fit au bout d'un moment :
- Vava... Tu m'étouffes...
Alors Vally desserra son étreinte pour le regarder. Le visage couvert de pleurs, elle semblait si heureuse pourtant...
- Pardonne moi Jiod, murmura-t-elle.

Ce soir Mandrin se sentait désemparé….

Amour,
inquiétude,
angoisses, plaisirs,
joies,
peur …

Toutes ces émotions se succédaient, à tour de rôle, dans son cœur et son esprit. Elles voletaient à travers lui, tout autour de lui, le traversant, en lui laissant à chaque fois leur empreinte au plus profond de son être….

Ces pensées surfaient sur un panache de souvenirs brûlants, plongeaient dans un torrent d’angoisses, s’envolaient sur un tapis de sensations torrides, s’enfonçaient dans une ouatée de tristesse…

Perdu dans ce labyrinthe de sentiments, il ne se reconnaissait plus, il avait perdu le fil de sa raison, les émotions de son cœur était trop fortes… Ces certitudes avait pris du plomb dans l’aile.. Lui qui pourtant se croyait très fort, était anéanti par une seule pensée…

Celle qui n’osait pas regardé en face…

Celle qui était la cause de son tourment…

Celle qu ‘il essayait de chasser, en se raccrochant à ses souvenirs…

Celle qui s’insinuait au plus profond de son mal être…

Celle qui se riait de ces certitudes patiemment mises en places, pierres après pierres, comme le mur que l’on était en train de construire autour de Salem…

Cette pensée qui le terrassait comme un cancer se rie d’un antalgique…

Cette peur venue d’une simple boutade prononcée par quelqu’un tout à l’heure, il ne savait plus qui d’ailleurs, et s’en moquait éperdument…


Mais le mal était fait…

Cette simple réflexion avait mis le feu aux poudres, cette inquiétude le ravageait de l’intérieur, comme un torrent de lave brûlant tout sur son passage, le meurtrissant toujours plus loin….


Malgré les poussées de raisons qui remontaient de sa conscience, malgré tous les bons sentiments auquel il essayait de se raccrocher, cette angoisse renaissait toujours…

Mandrin pris alors conscience d’un fait irrémédiable. Cette chose était tellement évidente, tellement immense, qu’il ne s’en était même pas rendu compte. Il est vrai que dans ces cas là, tout le monde le voit avant les principaux intéressés, et il le sentait maintenant, tout le monde devait s’en rendre compte, ça ne pouvait pas passer inaperçue. Et il ne pouvait pas le nier, mais lui venait juste de prendre conscience que Vally avait rempli son cœur de bonheur…

Il avait fallu qu’un imbécile le taquine avec le fait qu’elle venait de retrouver son frère et qu’il ne compterait plus pour elle, pour qu’il se rende compte que cette seule éventualité le dévastait, le démontait plus sûrement plus radicalement qu’une maladie incurable.

Pourtant il ne voulait que le bonheur de sa tendre compagne. Il aurait traversé le monde si elle lui avait demandé. Il était ravi du bonheur qu’elle venait de rencontrer. Il savait que c’était son vœu le plus cher qui venait de se réaliser. Mais c’était plus fort que lui, cette seule pensée égoïste, provoquée par une simple réflexion, perçait au coin de sa conscience…

Et si Vally ne voulait plus de lui pour se consacrer à son frère, si son frère lui en voulait d’avoir séduit sa sœur que ce passerait-il ?

Ses sombres pensées le meurtrissaient à chaque fois plus profondément, lui faisant prendre toujours un peu plus conscience de l’importance qu’elle avait prise dans sa vie. Elle n’était pas là depuis longtemps pourtant, mais Mandrin avait l’impression que ça faisait des siècles qu’ils étaient ensemble.





Pour chasser ses idées noires, il s’accrocha alors à ses sensations.

Il plongea complètement dans les souvenirs torrides des dernières nuits.

Traquant sur son corps, l’odeur de sa peau.....

Recherchant dans son cou la caresse de ses cheveux.....

Retraçant par la pensée, la cartographie de ses veines sur son superbe corps.........

Appelant de son désir les caresses de son être....

Il se remémora un par un, les délicieux moments qu’ils avaient passés ensemble…..........

La douceur puis la passion, la tendresse, puis la furie, l’amour puis la combativité, … Le bien être qui les avaient conduit tout au long de ces instants de bonheur intenses...............

Non !!!…. Tout cela ne pouvait disparaître… On ne peut juguler une tempête… On ne peut museler l’ouragan !!!…



Mandrin se leva d’un coup, et les bras en l’air, il s’exposa au vent du désert, comme si en le traversant, il lui ôtait sa négativité, lui redonnant confiance en lui. Au fur et à mesure, il se sentit mieux, la lumière revenait en lui, chassant toutes les ombres, il se relevait de son combat, armé d’une arme magnifique, une épée de feu éclatante que l’on nomme Amour…

Résolu à pourfendre tous les obstacles sur sa route vers sa bien aimée, il pris le chemin de la Salle commune, il était encore trop tôt, il le sentait, d’aller retrouver sa compagne.

Elle devait à son tour se dépatouiller dans ses propres sentiments, et gérer ses propres confusions, avant qu’il ne débarque avec ses gros sabots.

Maintenant il n’avait plus peur, il avait toute confiance, en la belle amazone de ces pensées. La pauvre devait avoir suffisamment à gérer, sans qu’il lui apporte ses propres états d’âmes.

Mais il le savait, il était prêt à répondre à son moindre geste…

Ragaillardi, il décida d’aller boire un verre à la cantine…